La Fédération des entreprises du recyclage propose des améliorations sur le principe même de l’outil qu’est la REP, Responsabilité Elargie du Producteur. Au demeurant, elle a publié en ce début d’année un livre blanc (voir REP : On est les champions ; ce n’est pas une raison pour…) qui constitue une ouverture au dialogue entre les pouvoirs publics, les éco-organismes et les opérateurs. L’évolution des éco-organismes pose en effet de nombreux questionnements quant à la place occupée par les opérateurs du déchet et du recyclage, en clair, les industriels concernés.
Pour en débattre, Alain Geldron, Chef du Département Organisation des filières et recyclage à l’Ademe, Sylviane Oberlé, responsable développement durable à l’AMF, Jean-Pierre Parisi, Directeur Général VMA, adhérent Federec, Guillaume Duparay, Résponsable du Développement de la collecte chez Eco-Systèmes, Philippe Joguet, directeur développement durable, RSE et questions financières pour la FCD et Vincent Regnouf, Président de la société Enotiko. Inutile de s’étendre : il suffit de déclarer, en préambule, que les éco-organismes, et surtout leur façon d’opérer, ne font pas l’unanimité…
Sans être farouchement opposés aux filières REP, les industriels du recyclage estiment qu’elles devraient pouvoir accélérer des processus, plutôt que d’exclure, en quelque sorte, des PME.
« La REP doit constituer un accélérateur de recyclage et non un frein pour les entreprises de recyclage compétentes…
En clair, on souhaite être intégré à la filière ; nous savons travailler dans les règles de l’art et valons aussi bien que d’autres. Sauf qu’il nous est difficile de le démontrer puisqu’on nous exclut plus volontiers que l’on nous intègre », clame Jean-Pierre Parisi
« La REP, c’est la responsabilisation du producteur ; il est mis devant ses responsabilités, pour tout ce qui a été mis sur le marché ; il y a un an, nous avons émis un rapport, afin d’étendre ces systèmes aux médicaments vétérinaires, ou aux emballages hors domicile, pour ne citer que ces exemples », ponctue Alain Geldron, marquant ainsi que la réflexion est d’ores et déjà organisée au plus haut niveau.
« Une pause a été décidée ; cela tend à prouver que l’on se pose des questions. C’est déjà bien », lance Jean-Pierre Parisi… « Parce que si je prends le cas des DEEE, que peut-on constater ? Que des marchés nous échappent parce qu’ils sont confiés d’office à des EES ; fort bien : l’économie solidaire est une bonne chose. Mais pas lorsque le recours à ce type d’entreprise de manière quasi systématique, impose à nos entreprises de recyclage, spécialisées dans ces métiers, de licencier du personnel. On est clairement dans le non sens ! »…
« Pas moins de 8 filières concernent directement la distribution, indique pour compléter, Philippe Joguet : s’il est clair pour nos entreprises, qu’elles ne sont pas des réceptacles à déchets, il est tout aussi évident que nous avons l’obligation légale de gérer nos déchets (…) ; or, c’est très lourd à organiser. Je ne peux pas parler en lieu et place des enseignes, mais puis indiquer qu’on a travaillé à l’idée de créer notre propre filière ; il y a des avantages à le faire, mais il faudrait combattre l’existant ; or, l’existant n’est pas venu du néant »…
Cela étant indiqué, il sera bon de rappeler que l’ensemble des déchets REP concerne moins de 10 millions de tonnes, contre 90 millions de tonnes pour les déchets industriels, et pas loin de 14 millions de tonnes pour les déchets ménagers !…
N’empêche qu’il faut trier pour recycler ; « et qu’on n’a pas accès au gisement, alors que la logique voudrait que les recycleurs puissent recycler ce qui peut l’être », ajoute Jean-Pierre Parisi.
« Qu’on ne se méprenne : il n’existe pas de modèle idéal ; une chose est sûre : les niveaux de collectes doivent progresser. Je me dois de souligner et d’insister sur le fait que nous créons des emplois. Il y a sans doute des partenariats à trouver ; mais ne suis pas d’accord lorsque j’entends que des gisements échappent aux membres de Federec », rétorque Guillaume Duparay.
Propos qui a le don immédiat de faire « transpirer » Jean-Pierre Parisi : « arrêtez de prétendre que les éco-organismes sont créateurs d’emplois puisque par ailleurs, ces créations que vous mettez en exergue, nous obligent à licencier des personnels formés pour recycler! ».
Remettre un peu d’ordre dans le dispositif…
Côté collectivités, il ne faut pas imaginer que la REP soit vécue comme une panacée…
Ne perdons pas de vue que « le tri c’est la vente, la vente c’est des sous, les sommes progressent ; or, les finances ont besoin d’être renflouées. Je rappelle que la collectivité ne fait que ce qui est inscrit dans la loi. Demain, ce seront peut être les parlementaires qui auront cette charge, mais pour l’heure et depuis des dizaines d’années, pour des questions d’hygiène et de salubrité, les communes ont assumé la responsabilité déchets. Le tri est un plus ; les collectivités sont assujetties à des règles de plus en plus complexes, avec des objectifs de plus en plus contraignants, impulsés via les éco-organismes ; les collectivités ont de plus en plus de mal à suivre…», plaide Sylviane Oberlé
« Il faut garder à l’esprit qu’au début de cette aventure, tout le monde a tâtonné ; on a tous appris à marcher, en quelque sorte, puisqu’il y a 20 ans, les REP n’existaient pas dans notre pays », indique, à son tour, Vincent Regnouf. « Il est vrai que le rapport coût/efficacité est on ne peut plus délicat à gérer (…) Le système actuel est peut-être à bout de souffle ; sans doute faudrait-il une décision venant de l’Etat ; il serait opportun, pour ne pas dire nécessaire, d’aménager une vision globale et sur le long terme. Vu l’impact sur les territoires que l’instauration des REP ne manque pas d’avoir, que ce soit au niveau des collectivités ou des entreprises concernées, il est, me semble-t-il, fondamental de se pencher urgemment sur le problème… N’oublions pas, par ailleurs, qu’on parle, avec la notion de REP, de masses d’argent colossales »…
La maîtrise des coûts est une priorité absolue. « Remettre un peu d’ordre dans le dispositif serait une bonne chose ; il faudrait simplifier et tirer des leçons des 20 années passées, dupliquer les effets positifs et gérer les aspects négatifs de manière constructive ». Or, en France, ce n’est pas souvent la méthode choisie…
« Il est évident qu’on ne peut en rester là, confirme Sylviane Oberlé : ça coûte cher ! Et puis ce n’est pas notre métier, à nous collectivités, de vendre des matières premières recyclées.
Les élus ne sont pas des prestataires de services et les élus, du moins un certain nombre, en ont ras le bol » !
Les REP « ont été mises en place par quelques élus, à l’époque où le dispositif fonctionnait entre les opérateurs (…) ».
« Je rappelle que le maire est le représentant démocratique des habitants. Il est à même de savoir ce qu’il est bien et bon de faire sur son territoire, mais parfois il n’est plus chez lui !
A l’instar de ce qui a été récemment déterminé en Allemagne par certains élus, (…) je me demande si c’est vraiment le rôle des collectivités que de faire de la collecte sélective, avec les tonnes de papiers et autres documents que ces mises en œuvre génèrent au nom de la contribution volontaire obligatoire »… Et c’est vrai que ce n’est pas vraiment leur job…
C’est cher, certes, « mais le paramètre environnemental doit être pris en considération! L’application de la REP doit être améliorée ; cela étant, il ne faut pas considérer que les éco-organismes sont livrés à eux-mêmes… Des réunions au plus haut niveau ont lieu, jusqu’à 10 fois par an ; un comité d’agrément donne son avis, tandis que la Cour des Comptes réalise un audit ; en toute conscience, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’organes qui soient autant contrôlés…», ponctue Alain Geldron. Pour ce qui concerne ce dernier point, il sera bon de rappeler que le président de la Cour des Comptes nous déclarait il y a moins de deux ans, que ce serait bien que la Cour des Comptes puisse travailler aussi, sur les éco-organismes, mais que pour l’heure, ce n’est guère possible : « les éco-organismes ne sont pas dans le champs de compétences financières de contrôle… je serai partisan d’une évolution réglementaire visant à les contrôler »…(voir Déchets : la Cour fait les comptes).
« On nous reproche souvent un problème de transparence, alors que tout est clair, puisque les comptes sont publics! Maintenant, il faut être sérieux : la loi impose la mutualisation des coûts et la non affectation des recettes aux coûts. Or, ce n’est pas vraiment cette règle qui nous est appliquée par les éco-organismes », rétorque Sylviane Oberlé…
Et Robert Lifchitz, ancien vice-président de Federec, intervenant depuis la salle, de rappeler le statut très spécifique des éco-organismes (sociétés anonymes agréées par les pouvoirs publics, un statut unique en son genre), lequel biaise un peu la donne, et de poser la question de savoir pourquoi ces sociétés ont-elles été autorisées à traiter des déchets professionnels ?
« La REP n’est pas une fatalité ; dans le cadre du traitement des déchets, chacun participe à une œuvre collective.
Devrons-nous aller jusqu’à un changement de paradigme ?
Est ce que la REP est définitive ou non ?
Parlons-nous d’un Service public ou non ?
La question n’est pas taboue ! Il existe des domaines qui méritent une REP. Pas tous. Avec la sortie de statut de déchet prochaine de certaines matières, il n’est pas sûr que la REP doivent s’appliquer à ces domaines d’activité. Nous devrons, tous ensemble, nous poser les bonnes questions pour construire l’avenir», conclut, en substance, Vincent Regnouf…
En clair, nul doute que la REP a son utilité si elle se positionne sur un nouveau marché mais pas sur un marché mature. On devrait garder pour principe qu’elle est outil opérationnel, un moyen et non une fin en soi…